Bateaux échoués sur la vase à marée basse dans la baie du Morbihan
Pour tous ceux qui manquent d'imagination et ne peuvent se représenter ce que signifie concrètement la hausse du niveau de la mer, la visite du golfe du Morbihan devrait leur être prescrite. Un magnifique sentier a été aménagé le long de ses rives où l'on chemine paisiblement au sein d'un paysage qui varie selon les heures et la marée et où l'on voit deux fois par jour le spectacle étonnant d'une vaste étendue d'eau convertie en une plaine vaseuse ponctuée de barques, canots et voiliers échoués sur le flanc. La végétation terrestre plonge ses racines et ses branches dans cette eau à laquelle les siècles et les millénaires ont fini par l'accoutumer bien que le sel qu'elle contient constitue un poison violent qui brûle les rameaux exposés à des vents trop fréquents. Cette limite mouvante, qui tend à s'accroître insidieusement, n'est pas véritablement une côte dont la découpe irrégulière nous enfouit dans des problèmes de fractales insolubles. Elle marque simplement les ondulations d'une plaine et d'un massif hercynien si érodé qu'il se confond presque avec elle.
Les hommes préhistoriques furent témoins de sa lente conversion d'un domaine terrestre en une zone maritime : Mor Bihan signifie Petite Mer en breton, dont la langue a mémorisé l'achèvement du processus. La civilisation mégalithique au contraire indique par ses pierres dressées dont les alignements se poursuivent dans la mer que celle-ci autrefois ne montait pas si haut. Lors des glaciations du quaternaire, le niveau de la mer s'abaissait et le rivage s'éloignait. A chaque réchauffement, les rivières se gonflaient et leurs eaux torrentueuses se frayaient un chemin en creusant de profonds chenaux. Dans le golfe du Morbihan confluaient les rivières d'Auray, de Vannes et de Noyalo qui y formaient un vaste estuaire marécageux dont le fond s'affaissa et fut envahi par l'océan qui s'introduisit par l'étroit passage entre les roches plus résistantes de Locmariaquer et Port-Navalo. Par rapport à la période des premiers habitats préhistoriques, on considère que le niveau de la mer s'est élevé de 4 à 5 mètres, ce qui donne une idée de l'étendue des terres qui furent alors progressivement inondées ! - Photo : Cromlechs, cormorans et goélands. -
Le processus s'est produit en trois étapes distinctes, la dernière, qualifiée de "transgression flandrienne", s'étant effectuée un peu avant notre ère pour atteindre un niveau marin supérieur de quelques mètres au niveau actuel. La montée des eaux, qu'il ne faut pas confondre avec le phénomène de l'érosion côtière, est prévue dans de nombreux modèles qui intègrent les transformations climatiques qui se produisent actuellement et je me demande si les humains, les animaux et les plantes auront le temps de s'adapter. Nous voyons déjà, en nous promenant entre baie et jardins, de petites digues de protection érigées par les riverains. Le Clifden Pub à Brillac est tenu par la même famille depuis 86 ans. Le tenancier actuel a vu évoluer la population du village. Les enfants partis, les habitants ont vieilli et, après leur décès, les héritiers ont dû vendre les biens qui ont été acquis par des citadins de 40 à 50 ans, amoureux de la région, et qui pensaient s'y installer à la retraite, venant, en attendant, seulement pendant les vacances.
Mais la majorité d'entre eux n'a pas pu s'habituer, n'a pas su changer de rythme, et la maison demeure vide la plupart du temps... Qu'ils viennent de France ou d'ailleurs, le problème est le même, et des centaines, des milliers d'habitations mitent la côte inutilement, vestiges de rêves inaccomplis, irréalisables, qui se reflètent souvent dans le nom des maisons, à consonnance bretonne parfois trompeuse, comme "ker o sene" (kérosène), "kêr" étant un peu l'équivalent du "home" anglais, la maison ou le lieu de vie, dans le sens du foyer. C'est que les commerces sont rares, les services médicaux, médecins, infirmiers, ostéopathes ou pharmacies centralisés en ville, l'usage de la voiture obligatoire aussi pour les activités culturelles. Et le climat n'est pas toujours clément, nous sommes en Bretagne, connue pour ses bruines tenaces et persistantes. Toutefois, l'illusion reste dans les esprits qu'un jour, peut-être, ils resteront. Alors, devant les volets clos, les jardiniers s'activent, les peintures sont refaites, les barques ou canots sommeillent sous une bâche.
Les municipalités, quant à elles, faute d'administrés, essaient de faire venir en nombre les touristes. Au bout de la presqu'île de Rhuys, la commune d'Arzon a fait fort, peut-être un peu trop au goût de certains : elle a créé de toutes pièces un port de plaisance assorti des habituels programmes immobiliers, où s'agglutinent des bateaux qui ne sortent presque jamais. Et heureusement ! s'exclame le tenancier du pub, car sinon, il y aurait une belle pagaille sur la "Petite Mer" ! En effet, au cours de nos balades, nous assistons à un phénomène très spectaculaire. Des courants de marée torrentueux s'écoulent dans les détroits entre la côte intérieure de la baie et les îles qui la parsèment, d'autant plus puissants que le coefficient de marée est fort. La vitesse peut atteindre près de 8 noeuds (4 m/s), ce qui en fait le deuxième courant le plus fort d'Europe. Le courant de la Jument, entre l'Île de Berder et l'Île de la Jument peut même atteindre 9,4 nœuds ! Grâce aux puissants moteurs qui équipent certains canots, nous voyons des pêcheurs remonter le flux et se laisser ensuite emporter, lâchant la barre pour surveiller les lignes. Les embarcations pivotent, donnent du flanc et semblent en perdition, jusqu'à ce qu'elles soient refoulées vers une zone de calme où il faut prendre garde à ne pas s'échouer. Un gros bateau promenade, emmenant son lot de passagers d'île en île, surfe sur les rapides et les utilise habilement pour pivoter sans peine et se positionner le long du quai. - Photo : Fenouil ? -
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Cathy, Jean-Louis, Elisabeth, Jean-Louis B. | Bretagne - Morbihan |
Séjour du 2 au 9 juillet |