Cette description est intéressante, car la technique diffère radicalement de celle des marais salants de Lasné à Saint Armel, pourtant aussi situés dans le golfe du Morbihan, sur la presqu'île de Rhuys. Cette pratique remonte à mille ans et s'inspirerait des Romains qui extrayaient ainsi le sel sur le pourtour méditerranéen, notamment pour conserver les aliments. Les marais salants bretons sont parmi les plus nordiques, à une latitude de 46°, bien qu'il y en ait eu aussi dans la Manche autrefois. L'évaporation se produit uniquement pendant la courte période estivale grâce au soleil bien sûr, mais aussi au vent. C'est l'unique cas de figure où la présence d'eau de mer est souhaitée sur la terre ferme et non subie. Ils ont été abandonnés dans les années 60 pour des raisons économiques, les Salins du Midi, avec leurs immenses exploitations du Languedoc et des Bouches du Rhône, étant bien plus rentables. Toutefois, bien qu'il s'agisse de milieux artificiels, on s'est aperçu que ces zones humides constituaient des biotopes d'une grande richesse et qu'il était aussi important de conserver, à titre marginal certes, ce patrimoine professionnel classé comme une branche de l'agriculture. - Photo : Monticule de sel produit à Lasné, Saint Armel. -
Les marais salants de Lasné ont donc retrouvé leur activité d'antan depuis 2003, grâce au paludier-apiculteur Olivier Chenelle, sous l'impulsion de la commune et avec l'aide du conseil général. Leur visite se fait en suivant un parcours semé de plaquettes d'ardoise où figure une mine d'informations sur la flore, la faune et le travail du paludier. C'est très original, ludique et sympathique ! Un site fort bien fait décrit l'histoire des salines et explique la production du sel. Un blog a aussi été créé, qui donne périodiquement des nouvelles de la saline de Lasné et montre quelques vidéos qui donnent l'impression d'y être, celle du 1er juin 2011 étant réalisée par le fils du paludier, 7 ans, et montre l'approche d'un nid de mouette rieuse sur affût flottant ! Pour avoir une idée générale de la question, un dossier très complet se trouve sur le site de Futura-Sciences, intitulé La route du sel, historique, géologie et alimentation. - Photo : Marais salants de Lasné, Saint Armel. -
Au début de la visite, mon attention est captivée par le manège des oiseaux réfugiés sur des îlots dans les premiers bassins où l'eau de mer s'introduit à marée haute, qui vont et viennent sans arrêt dans un ballet bruyant. Puis je me laisse prendre au charme de ce cours naturaliste donné sur le lieu même d'existence des plantes et des animaux. Je peux ainsi mettre un nom à ce que j'observe depuis le début de notre petit séjour en Bretagne et j'apprends aussi les noms d'oiseaux que je ne risque pas d'avoir vu, car ils ne viennent ici que l'hiver, ce qui permet de limiter l'éventail des possibles. Près du stock de sel abrité sous des bâches, trois bocaux colorés sont emplis d'eau vaseuse. Le premier contient du zooplancton spécifique aux eaux très salées : c'est l'Artémia salina, un crustacé, qui agite en permanence ses pattes pour s'oxygéner, car ses branchies sont dedans (il respire avec les pattes) ! Il sert de base à la nourriture de quantité d'oiseaux et consomme du phytoplancton que nous avons du mal à observer dans le bocal suivant. Ce sont vraiment des êtres minuscules qui teignent l'eau en vert lorsqu'il y a une majorité de diatomées et en rose lorsque la dunaliella salina domine (une micro algue à deux flagelles, très mobile), le passage d'une couleur à l'autre et d'une population à l'autre se faisant en fonction du taux de salinité. - Photo : L'Artémia salina. -
Pour s'adapter à la pression osmotique que subit sa cellule dans les milieux hypersalés, supérieure à 100 sur 1000, l'algue dunaliella salina accumule dans sa cellule du glycérol. Au final la concentration de molécules dissoutes égale la concentration de sel dans le milieu extérieur, l'eau ne s'échappe plus des cellules et les réactions biochimiques ne sont plus inhibées. La cellule se défend donc contre le milieu en modifiant son métabolisme et ce phénomène se produit dans les deux sens : si la concentration du milieu extérieur baisse la cellule stoppe sa production. Dans le cas d'une forte exposition à la lumière, c'est à dire dans des eaux peu profondes et calmes, elle protège sa chlorophylle de la surexposition lumineuse par des pigments rouges qui limitent la pénétration des rayons. Ainsi, les marais salants présentent toute une gamme de couleurs qui ne sont pas dues à une pollution éventuelle et ne constituent aucun risque pour notre alimentation. Il y a aussi des bactéries qui ne survivent qu'en environnement salé. Les chercheurs se posent actuellement la question de savoir si leur fonctionnement est une adaptation aux milieux salés ou au contraire si elles sont des survivantes de conditions de vie primitive très salées…Elles auraient pu survivre mieux que d'autres dans des milieux dont la salinité varie, restant en effet capables de survie dans une fourchette de salinité beaucoup plus étendue que les cellules "normales". Ce serait, en quelque sorte, des fossiles vivants gardant la mémoire des premiers océans terrestres. - Photo : Coccinelle, il pleut, tous aux abris ! -
Des sels différents cristallisent pendant le processus d'évaporation : le calcaire et la dolomie se déposent en premier à partir d'une concentration en NaCl (chlorure de sodium) de 30g/litre. Puis c'est le sulfate de calcium sous forme hydratée, le gypse, dont la précipitation commence à une densité de 1,109 soit une concentration de 150 g de NaCl/litre. 80% de ce sel est cristallisé quand commence la cristallisation du chlorure de sodium à la densité de 1,216, soit une concentration de 350 g de NaCl/litre. Dans les marais salants la précipitation est arrêtée volontairement quand la densité atteint, par exemple, 1,262. La saumure contient alors 40 g/l de magnésium. Le sel qui cristallise au-delà est amer et l'évaporation devient trop lente. Les eaux sont donc évacuées. Pour produire 1 kg de sel il faut environ 37 kg d'eau de mer dont 90% sont évaporés avant cristallisation, 7% pendant la cristallisation et 3% d'eaux mères sont rejetées. - Photo : L'unique gros poisson du séjour observé dans la rivière de Vannes. -
La Bretagne a longtemps été exemptée de gabelle (une taxe sur le sel), puisqu'elle était un pays producteur. L'un de ses plats favoris est encore la crêpe au caramel au beurre salé, un luxe que ne pouvaient s'offrir les régions de grande ou de petite gabelle. Est-ce que nous ressentons naturellement le besoin de sel et devons-nous nécessairement en ajouter à nos aliments ou bien notre consommation est-elle plutôt une affaire de culture et d'habitude ? Le sel est indispensable à la vie : le corps humain est constitué à 80% d'eau salée. Il perd tous les jours du sel (par exemple dans les urines ou la sueur) et il faut le remplacer. Chaque cellule vivante du corps humain baigne dans une solution saline. Le sodium permet aux globules rouges du sang de transporter l'oxygène vers les tissus et de débarrasser l'organisme du dioxyde de carbone. Le bon fonctionnement de l'organisme exige que le rapport sel/eau présent dans le système sanguin demeure presque constant. Le chlore, l'autre composant du sel, joue un rôle déterminant dans le processus de la digestion, en plus de favoriser l'absorption du potassium par l'organisme. Chez les animaux, le sel est aussi essentiel puisqu'il assure les mêmes fonctions organiques que chez l'homme. Souvent, les animaux sauvages, surtout les herbivores, lèchent les pierres salées pour compenser la consommation élevée de calcium due à leur régime végétarien. - Photos : L'entretien des espaces verts autour des marais salants de Lasné se fait de façon tout à fait naturelle... Chasse à l'affût de l'araignée Agelena Labyrintica depuis son entonnoir de toile tissée. -
Mais pour autant il n'est pas nécessaire d'en rajouter dans notre assiette. En effet, le sel est naturellement présent dans les œufs, les crustacés, les épinards,… et également dans la plupart des eaux minérales. En France et dans beaucoup de pays industrialisés, la consommation de sel est trop importante. Cela entraîne de graves problèmes de santé, comme l'hypertension ou l'obésité. Cet excès proviendrait, à hauteur de 80%, des plats cuisinés, soupes et autres produits industrialisés. Une accoutumance des nourrissons au sel aurait été induite par une alimentation avec des petits pots et plats pour bébés. Le sel marin non raffiné, en plus d'autres minéraux non présents dans le sel de table, contient quant à lui une proportion de magnésium qui, tel un antidote, inverse et compense l'effet notoirement hypertenseur du sodium. Le sel n'est pas l'unique facteur, mais il augmente les risques. Il agit sur le cœur en accroissant la pression artérielle, car il retient l'eau. L'excès de sel est également mauvais pour les reins. Inversement, dans le désert où on sue beaucoup (on perd donc beaucoup de sel et d'eau), il faut boire de l’eau mais aussi manger du sel car la sueur est un liquide très salé. - Photo : Punaise arlequin sur une ombelle d'Apiacée : sa coloration voyante annonce aux oiseaux son goût repoussant. Mouette. -
Le sel est bien sûr utilisé dans les industries alimentaires, pour le salage à sec, le saumurage, les salaisons, l'élaboration des fromages, beurre, pain, plats cuisinés... Ce que j'ignorais, c'est que l'industrie chimique est de loin le plus grand consommateur de sel. Les pays industrialisés occidentaux utilisent environ 70% de la production totale de sel. C'est une matière première pour produire du carbonate de sodium synthétique, du chlore et de la soude caustique par électrolyse. Son plus grand champ d'application est la production du chlorure polyvinylique (PVC). Grâce au chlore, on réalise des produits importants, tels que le phosgène, l'oxyde de propylène, les hydrocarbures chlorés, l'acide chlorhydrique, l'hypochlorite de sodium (eau de javel) etc. La lessive de soude est un liquide incolore et visqueux. C'est la forme de soude caustique la plus courante, car facile à utiliser. La construction, les papetiers et l'automobile, l'agriculture, l'industrie alimentaire et les fabricants de textile en sont les principaux utilisateurs. Le carbonate de sodium entre dans la fabrication de produits de grande consommation : le verre, le savon, la lessive, la colle, les adhésifs et il est également utilisé dans de nombreux processus chimiques de base. - Photo : Mouette et cormoran. -
J'ai écrit plus haut que les couleurs changeantes de la saumure ne sont pas un signe de pollution, mais le site de l'observatoire conchylicole de l'Ifremer indique déjà une mortalité de juvéniles cumulée pour 2011 de 49% pour le golfe du Morbihan, c'est à dire que les naissains d'huîtres creuses subissent pour la cinquième année consécutive un taux de mortalité massive. Pêcheurs et ostréiculteurs ont manifesté récemment leurs craintes au moment de la semaine du golfe du Morbihan. Ils souhaitent rappeler "à tous les aveuglés par le miroir aux alouettes du tourisme" que la pêche côtière et l’ostréiculture ne sont pas mortes et ils partent en campagne pour la défense de la qualité des eaux côtières.
Ils veulent sensibiliser le public à la dégradation des écosystèmes littoraux. Les naissains ont été attaqués par des virus et des facteurs environnementaux qui pourraient les fragiliser ont été mis en évidence et publiés sur le Bulletin épidémiologique. Les pesticides pourraient induire des anomalies génétiques. Les pratiques culturales de production et d'élevage pourraient aussi favoriser l'expression des agents pathogènes. D'autres facteurs pourraient agir comme des agents aggravants (qualité du milieu, ressource trophique, contaminants chimiques, hydro-dynamisme..., le statut sanitaire des animaux ensemencés, les pratiques culturales de production et d'élevage (naturel et écloserie), la génétique et l'immunologie de l'hôte. En bref, pour le moment, j'ai l'impression que les chercheurs sont dans le noir et cherchent tous azimuts les causes de la mortalité des naissains d'huîtres creuses. L’huître est en passe de devenir le symbole de la crise écologique et de la perte de biodiversité marine à l’image de l’abeille à terre.
SOMMAIRE | 7
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Cathy, Jean-Louis, Elisabeth, Jean-Louis B. | Bretagne - Morbihan |
Séjour du 2 au 9 juillet |