Je
reviens sur le cycle des marées
qui est décidément très original dans cette baie
du Morbihan. Elle est si plate et si étendue que la pleine mer
est décalée selon le lieu.
Lorsqu'elle est haute à l'extérieur, en baie de Quiberon, il faut attendre
une demi-heure pour qu'elle le soit à l'entrée
du golfe, à Port-Navalo. La baie continue de se remplir
et le niveau monte encore une heure
quarante cinq environ jusqu'à ce que la marée soit haute à Vannes.
Le phénomène s'inverse à marée basse, et
l'on peut observer que le niveau d'eau diminue à Port-Navalo
alors que le golfe continue à se
remplir, provoquant ainsi de nombreux contre-courants de flux et de
reflux qui interagissent. Ce milieu très particulier a favorisé la
présence d'un riche herbier de zostères (marine
et naine), le deuxième plus important de France après
le bassin d'Arcachon. - Photo : Aigrette
garzette. -
Cette
plante, qui doit son nom d'origine grecque à la forme en ruban
de ses feuilles, est l'équivalent
atlantique des posidonies méditerranéennes. Ce n'est
donc pas une algue, mais une plante à fleur dont
un ancêtre a dû renoncer à la terre ferme, sans
doute dans des circonstances similaires à celles de la formation
de la baie du Morbihan,
pour s'adapter à un
environnement marin. Elle reste cependant fragile et les superficies
d'herbiers connaissent des fluctuations (à différentes échelles
de temps) liées à divers facteurs tels que les conditions
climatiques et la turbidité des eaux, auxquels s'ajoutent
les pressions anthropiques (pêche, mouillage de bateaux, rejets
d'eaux usées, prolifération
d'espèces envahissantes...). Pourtant,
elle a "inventé" des améliorations à sa
structure d'origine terrestre qui lui permettent de résister à bien
des aléas. Avide
de lumière, elle privilégie
une implantation sur les zones côtières peu profondes.
Ses feuilles en ruban offrent une moindre résistance au courant
et ne se déchirent
pas, leur ondulation permettant justement une réception maximale
des rayons lumineux pour faciliter la photosynthèse. Sa tige
modifiée
s'ancre
dans le sol mobile, vaseux ou sablonneux, sous la forme d'un rhizome
dont émanent des racines rayonnantes qui accroissent sa stabilité.
L'herbier de zostères contribue à stabiliser les terrains, à diminuer
la turbidité de l'eau, favorise son oxygénation,
la production du phytoplancton et constitue un abri naturel pour
la reproduction. Il améliore donc les conditions de sa propre existence. -
Photo : Moniteur tirant ses élèves
en planche à voile. -
Son pollen, formé de légers filaments collants, est transporté par le courant sur le pistil d'un autre pied. Le fruit qui résulte de la fécondation est vert, car il contient de la chlorophylle qui lui permet de produire dans la capsule une petite bulle d'oxygène qui finira par la faire éclater pour libérer dans l'eau la graine qu'elle contient lorsqu'elle sera mature. Cette dernière finira par couler et reposer sur le fond marin où elle s'enracinera. Au cas où la reproduction sexuée échouerait ou serait insuffisante pour assurer la multiplication et la survie de l'espèce, celle-ci a prévu (comme la plupart des plantes), une reproduction végétative, un nouveau pied pouvant croître à partir du rhizome qui s'allonge, formant ainsi un clone de la plante initiale. Ce phénomène d'évolution et d'adaptation du vivant me fascine. Jean-Louis B. nous conseille la lecture d'un article sur un entretien avec le biologiste évolutionniste Pierre Henri Gouyon qui étend sa réflexion aux sociétés humaines, un point de vue que je juge très éclairant et intéressant. - Photo : Varech vésiculeux et zostère. -
L'herbier
de zostères est intimement mêlé au
varech vésiculeux
(goémon,
fucus) qui, lui, est bien une algue, brune, d'autant
plus grande
et pourvue de flotteurs que l'environnement marin est calme. Voici
l'utilisation qui en était faite autrefois (extrait de : Messieurs
Tessier, Thouin et Bosc, de l’institut de France, Encyclopédie
méthodique de l’agriculture, Tome 6, 1816).
« Le Varec contient
encore de la soude en nature, ce qui le fait agir comme amendement sur
l’humus de la terre végétale, concourt à augmenter
son effet sur le produit des récoltes, et qui permet d’en
tirer aussi parti en le brûlant et employant ses cendres, soit pour
l’amendement des terres, soit pour faire la lessive, soit pour faciliter
la fusion du verre. Pour
faire la soude de Varec, qui s’appelle baril
dans quelques lieux, on étend le Varec sur le sable, et lorsqu’il
est presque sec on l’amoncelle en le comprimant autant que possible,
pour empêcher les pluies de pénétrer trop profondément
dans le tas. Je dis presque sec, parce que trop de sécheresse rendant
la combustion trop rapide, il se formerait peu de soude, et que trop d’humidité s’opposerait à cette
combustion. Les ouvriers jugent avec assez de certitude du degré de
sécheresse convenable. - Photos : Pêcheur
à pied. Joncs fleuris sur fond d'anse de vase. -
Lorsque
la quantité de Varec sec est assez considérable,
on creuse, dans le voisinage des tas, une fosse de cinq à six pieds
de long sur deux pieds de large et autant de profondeur ; on met au fond
quelques branchages secs auxquels on met le feu, et sur lesquels on jette
successivement avec une fourche de fer, en l’empêchant le plus
possible de flamber, tout le Varec des tas. La soude se forme et coule
au fond de la fosse. La combustion achevée, on couvre la fosse avec
des planches mouillées, et lorsque la soude est refroidie, c’est-à-dire
deux ou trois jours après l’opération, on la retire
avec des pics, car elle est dure comme de la pierre, et on la met dans
le commerce. Cette
soude est très impure, mais elle convient suffisamment
aux usages précités, et son bas prix compense sa mauvaise
qualité. D’ailleurs, on peut la purifier par la «lessivation» si
on le juge nécessaire. D’après ce qu’on
vient de lire, on peut juger du tort qu’ont les habitants des bords
de la mer qui négligent de tirer parti du Varec ». -
Photos : Animalcule dans la laisse de mer. Un
pêcheur tire sa barque amenée jusqu'au sentier côtier
dans sa fourgonnette. -
SOMMAIRE | 3
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Cathy, Jean-Louis, Elisabeth, Jean-Louis B. | Bretagne - Morbihan |
Séjour du 2 au 9 juillet |