Visages épanouis, regards émerveillés et pure jubilation, ce séjour en Aragon aura été un véritable enchantement. Les enfants, adolescents et jeunes adultes avaient été attirés par la perspective de faire du canyoning, du parapente ou une balade à cheval. Les adultes étaient plutôt venus dans l'espoir de trouver un temps estival, une ambiance de franche camaraderie et une détente ludique dans un site dépaysant par rapport à la côte basque. Tout le monde y a trouvé son compte, et plus encore.
Le trajet s'est déroulé (presque) sans anicroche car, forte de mon expérience de la Pentecôte, j'avais opté pour le passage en Espagne par le nouveau tunnel du Somport. Chacun avait reçu de ma part une feuille de route avec les principales indications et le programme de ces 5 jours en Aragon. Quant à l'heure de départ - 8 heures - (un peu optimiste, mais quasiment respectée à la demi-heure près), elle avait fait l'objet de plaisanteries amicales. C'est à Sabiñanigo que j'ai pris conscience, après quelques errements et demi-tours malencontreux (à 6 voitures à la queue-leu-leu, ils ne passaient pas inaperçus), que j'avais composé mon parcours avec une carte fausse, dont l'auteur avait inventé une route directe inexistante jusqu'au village de Fiscal, notre destination. Heureusement Max en avait une plus académique et, moyennant un détour par Biescas, Gavin, et le Puerto de Cotefablo, nous avons pu arriver le soir à bon port.
C'était l'heure du déjeuner au moment où nous arrivions à l'embranchement où la route se scindait en deux, à droite vers Broto (puis Fiscal, à une demi-heure de là) et à gauche vers Torla, le village situé à l'entrée du parc national d'Ordesa. Au lieu de rejoindre le gîte directement, nous avons fait halte à l'entrée d'Ordesa pour déjeuner au bord de la rivière près d'un petit barrage. Tandis que Yann et Isabelle proposaient spontanément de rester pour surveiller la progéniture qui s'était installée sur le pont pour jouer aux cartes après s'être baignée dans l'eau (fraîche) et avoir escaladé les rochers, nous avons effectué une petite marche digestive le long du torrent en direction des hautes falaises d'Ordesa.
Accompagnés par le bruit de l'eau dans les rochers qui rafraîchissait l'air à proximité, nous avons retrouvé avec délectation les odeurs de buis, les bouffées de chaleur concentrée dans l'épaisseur des taillis, le vol calme des vautours planant à des hauteurs vertigineuses et la beauté du calcaire aux teintes mordorées. Nous nous sommes attardés un moment sur un petit pont, nous amusant à tenter de déceler les poissons couleur sable qui nageaient paresseusement dans les eaux transparentes. Après une courte montée, nous avons fait demi-tour, craignant de trop faire attendre ceux qui étaient restés au barrage. Bien nous en a pris : en effet, la surveillance n'avait pas été de tout repos et nous étions un peu honteux d'avoir laissé une telle responsabilité à Yann et Isabelle. Les jeunes s'étaient très vite lassés des cartes et ils étaient partis en exploration plus ou moins acrobatique. Le goûter ne les avait pas calmé longtemps et ils commençaient à fatiguer de rester là à nous attendre. La prochaine fois, il faudrait les prendre avec nous d'autorité.
Nous quittons Torla et trouvons facilement l'Albergue Salta-Montes, dont j'ai trouvé l'adresse sur le site internet de l'Aragon Oriental. J'ai eu le responsable de nombreuses fois au téléphone, qui m'a toujours fait un accueil très sympathique (à la fin, rien qu'à entendre ma voix et sans que j'aie à me présenter, il s'exclamait "Ola ! Constant ! Ya le reconozco !" - Il n'avait pas compris que j'avais donné mon nom de famille et pensait que c'était mon prénom -). C'est un homme entre 30 et 40 ans, aux cheveux longs noués en double queue de cheval haute et basse, mince alors qu'il occupe également la fonction de cuisinier (il nous servira une nourriture familiale fort honnête, quantité à volonté, avec une efficacité remarquable dans le service avec l'aide de son "compañero", malgré la taille de notre groupe). La façade de l'auberge est élégante, dotée d'une triple rangée d'arcades superposées, aux balcons ornés d'une treille magnifique dont les enfants (avant que nous y mettions le holà) n'ont pas résisté à la tentation d'en arracher quelques grains le premier soir pour nous en bombarder, lorsque, après cette première longue journée, nous étions réunis sur la terrasse en bas où nous prenions un rafraîchissement avant de passer à table. L'heure normale du dîner, très espagnole (21h30), à la tombée de la nuit, fut ramenée à 21h pour que les enfants ne s'impatientent pas trop.
Je suis contente, j'ai eu de la chance dans mon choix. Cette auberge nous offre un rapport qualité-prix tout à fait convenable. L'intérieur est propre et bien conçu (chambres de 4 ou de 6 personnes à lits superposés), les murs sont garnis de fresques, au pochoir ou créées directement sur place. Notre chambre est ornée d'un grand arbre, dans la salle de bain, une frise à mi-hauteur évoque des animaux marins plus ou moins stylisés, l'escalier qui mène aux étages est bordé de petits dessins humoristiques. Dans la salle à manger, aux parois couvertes de pierres de taille sont accrochées des peintures modernes et des photos ayant pour thème les divers sports qui peuvent se pratiquer dans la région, entourées ou à demi-recouvertes de plantes séchées disposées comme dans un herbier : c'est joli, très original et intéressant à regarder.
Evidemment, la principale inquiétude des enfants depuis plusieurs jours est de savoir avec qui ils vont dormir. Des questions me parviennent, de façon directe ou indirecte, comme si c'était à moi de décider de l'emplacement de chacun, c'est amusant. Evidemment, je laisse entière liberté de s'installer où l'on veut, en suggérant qu'on peut laisser les enfants se mettre tous ensemble. Dès que j'ai traduit les instructions de notre logeur, les enfants se précipitent, particulièrement l'équipe des 13-15 ans. Ensuite, la tranche des 15-20 ans s'installe, et ensuite les parents, avec les plus jeunes. Les célibataires et couple sans enfant se placent en dernier, en bouche-trou. Ils attendent d'ailleurs bien sagement que la fébrilité diminue, assis à la petite terrasse au-dessous des balcons.
Aragon 15 au 19 juillet 2003 (Photos de Cathy, Caroline, Jeannot, Max , Jean-Louis C.) |
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