Le sentier vers le canyonCathy après le canyoningPar l'intermédiaire de notre hôte de l'Albergue Salta-Montes, j'ai réservé deux activités pour le mercredi, canyoning et cheval, et j'ai précisé qu'il nous fallait un parcours ludique d'initiation dans le premier cas et une promenade tranquille de trois heures maximum sur des chevaux paisibles dans le second. Je crois que les Espagnols n'ont pas la même perception des choses que les Français. En effet, dans l'un comme l'autre cas, nous avons dû faire appel à toutes nos ressources pour vaincre des difficultés que nous ne nous imaginions pas capables de surmonter. Résultat, chacun en est ressorti à la fois totalement surexcité, évacuant le stress accumulé, et également littéralement épuisé, mais enchanté. Lorsque nous nous sommes réunis le soir, nous étions tous volubiles, pressés de raconter nos exploits et contents de voir que l'autre groupe s'était également "éclaté".

Les chevaux à SarviseCécile a son propre chevalLes deux équipes avaient rendez-vous à 10 heures, les cavaliers à Sarvise (prononcer "Sarrbissé") et les "canyoneurs" à Broto. Nous sommes donc partis ensemble, et à la première halte j'ai pris contact avec le responsable du centre équestre pour vérifier que tout se passait comme prévu et lui confier les dix personnes qui restaient avec lui. Nous avons poursuivi jusqu'au village suivant où nous avons attendu un bon moment au local que les guides du canyon arrivent. Après la cérémonie habituelle de distribution du matériel (combinaisons très épaisses, chaussons, casques, et, pour la première fois, baudriers), nous sommes remontés dans les voitures. De retour à Sarvise, nous avons obliqué sur notre gauche en direction du village de Fanlo, qui est également une toute petite station de ski de fond, avec un troquet, trois maisons et une cabane d'accueil.

Une des maisons de FanloLà, il a fallu enfiler à sec les combis : nous avions tous l'impression d'être très gros et boudinés, il nous fallait accomplir un effort immense pour passer le talon, puis le mollet, le genou, la cuisse, les fesses, et réussir enfin à remonter la fermeture éclair sur un ventre incomprimable, après avoir inséré les bras et tiré l'étroit fourreau jusqu'aux épaules, ouf ! En plus, nous devions impérativement enfiler les chaussons à l'intérieur de nos chaussures : galère ! L'entraide était de rigueur, sous l'oeil blasé des deux guides qui se contentaient d'ajuster le baudrier à la fin du processus. Les casques ajustés plus ou moins fermement sur la tête, nous nous sommes observés mutuellement : les enfants, minces, avaient belle allure, je n'ose parler des adultes aux formes plus arrondies, accentuées par le costume moulant qui les comprimaient. Le paysage à FanloXavier a dit qu'il avait chaud (même dans l'eau frigorifiante directement issue des glaciers des Hautes Pyrénées) et n'a jamais éprouvé le besoin de remonter sa fermeture éclair sur son abdomen... Ce qui était dommage, c'est que cette fois les guides nous ont fermement déconseillé de prendre nos appareils photos. Ils avaient le leur et comptaient nous faire payer un supplément pour les photos souvenir. Malheureusement, l'appareil est tombé en panne de batterie rapidement, et nous n'en avons pas vu la couleur.

Repos après l'effortLes préliminaires sont toujours longs en canyoning mais ils sont vite oubliés dès que nous entrons dans le vif du sujet. Une dizaine de minutes pour descendre depuis la route le long de laquelle nous avons garé les voitures jusqu'à l'oued quasiment à sec (ce qui me cause une frayeur : ils m'auraient avertie, quand même, j'espère, s'il n'y avait pas eu d'eau), puis une centaine de mètres sur les galets branlants jusqu'à l'entrée du goulet. Nous grimpons les uns après les autres sur un rocher arrondi, au bord du vide, de plus en plus glissant au fur et à mesure que les chaussures mouillées l'humectent. Les deux guides s'activent, en équilibre sur un petit méplat en contrebas. Nous venons d'apprendre que l'expédition débute par une descente en rappel de douze mètres ! Ils introduisent les cordes dans les anneaux, une courte, bleue, terminée par un noeud, et une longue qui servira de ligne de vie. C'est un peu comme une entrée verticale de grotte. Les rayons du soleil ne pénètrent pas à l'intérieur et nous n'en voyons pas le fond, caché par le rebord du rocher sur lequel nous nous tenons.

Lucie n'en peut plusQui veut passer le premier ? C'est Florian P., benjamin du groupe comme son homonyme, Florian B., qui se décide. Tu t'assieds sur le rocher, tu passes les jambes dans le vide. Tu te laisses glisser en te retournant. Là. Maintenant, tu prends la corde bleue et tu la tiens bien pendant que je passe la corde dans le mousqueton. Tu as bien compris ? Quand tu arrives en bas, tu détaches la corde. Bon, vas-y. Tu te renverses très en arrière, comme si tu t'asseyais dans le baudrier, tu gardes les jambes tendues, écartées, les pieds à plat contre le rocher pour une meilleure adhérence, en appuyant bien les talons d'abord. Tu les déplaces l'un après l'autre vers le bas. Ta main gauche, tu n'en auras pas besoin, alors agrippe ton baudrier. C'est la main droite qui fait tout. Attention, il ne faut pas la garder près de l'anneau en 8, sinon tu vas te coincer les doigts. Elle doit être positionnée derrière la fesse droite. Si tu ne fais rien, si tu lâches la corde, rien ne se passe, le système se bloque automatiquement, tu ne risques pas de tomber, tu restes suspendu. Donc, si tu veux descendre, c'est toi qui imprimes le rythme, en dégageant la corde petit à petit.

Pique-nique près des voitures, après le canyoning"J'ai peuuuuuuur !". Florian ne veut plus descendre. Il a fait deux-trois pas, il y a une corniche et un grand trou derrière vers lequel il se tourne. Nous ne disons rien mais tremblons tout comme lui. "Ne regarde pas le vide, mais seulement où tu mets les pieds ! Allez, ne te redresse pas, penche-toi bien en arrière, et relâche progressivement la corde !" J'ai oublié de préciser que les guides parlent un baragouin infâme de mots français déformés par un lourd accent, mêlés d'espagnol et de mots inventés, formés à partir de l'espagnol. Pour que tous comprennent bien les instructions, j'ai répété après eux dans un bon français, et maintenant, je continue à crier à Florian des conseils, de même que son père et d'autres membres du groupe, pour l'encourager à poursuivre sa progression. Enfin, il arrive en bas et n'oublie pas de libérer la corde. Chacun passe l'un après l'autre. Au niveau de la corniche, il faut s'arrêter, regarder le deuxième guide, sourire et se faire prendre en photo, et continuer jusqu'en bas, avec des encouragements qui viennent maintenant des premiers arrivés qui attendent, les pieds dans l'eau.

Christine se baigne en eau fraîche, sans combinaisonMax et John, évidemment, effectuent une descente en rappel impeccable, de même que Mikel. Par contre, Caroline et Florian B. dérapent et se retrouvent suspendus à la ligne de vie, à se balancer en se frottant un peu rudement à la paroi. Ceux qui passent par la voie de droite se sentent basculer automatiquement vers leur gauche, avec la corde qui ripe sur le rebord ; les pieds glissent sur la paroi devenue humide car le filet d'eau coule en cascade dans la cuvette en contrebas qu'il a creusée au cours de centaines d'années. Christine, quant à elle, coince carrément. De sa voix douce, elle proteste : "Ne vous inquiétez pas pour moi, je vais remonter, je vous attendrai près des voitures...". Rien n'y fait. Le moniteur ne veut pas en entendre parler. Il la prend avec lui et ils descendent ensemble, lui dessous, elle dessus, encordés étroitement.

Une jolie rivière à Broto pour nous reposer du canyoningFinalement, tout le monde passe et nous entreprenons la progression en file indienne derrière les moniteurs, tantôt marchant, tantôt nageant ou pataugeant, obligés parfois de sauter de hauteurs de 4 mètres, ou de glisser le long de toboggans aquatiques naturels. A un moment, le moniteur s'arrête et dit à un enfant de descendre par un tout petit trou formé entre une avancée de la roche, un gros rocher et un rocher plus petit qui en amenuise encore l'accès. Il lui fait introduire d'abord les pieds, puis le reste du corps. Mince ! Le casque est coincé. D'une tape il l'enfonce et l'enfant disparaît. Je n'entends pas de cri, apparemment, il ne lui a pas raboté le nez en forçant le passage. Les jeunes passent les uns après les autres, sans encombre. Puis il me désigne du doigt. D'un geste éloquent, je lui montre mes fesses en tentant de lui expliquer que je ne passerai jamais. Il insiste et je m'insinue dans l'orifice. Evidemment, je me retrouve bloquée à l'endroit stratégique et il me dit qu'il faut insister un peu en mimant quelqu'un qui rentre le ventre. Eh bien oui ! J'ai réussi ! Et sans m'écorcher en plus ! Mon image de moi-même remonte dans mon estime. Le guide jauge du regard les adultes les uns après les autres. Il fait signe à Max de passer alors que celui-ci s'apprête à contourner l'obstacle, de même qu'à Jean-Louis B. qui s'insère sans problème dans le chas de l'aiguille. Yann s'engage sans attendre le verdict et ne peut plus ni descendre ni remonter... Au bout de gros efforts, il se décoince... mais vers le haut. Ce sont les os, paraît-il, qui avaient trop d'envergure. Jeannot n'insiste pas et fait le tour de l'obstacle. Xavier en fait de même, à regret.

Papillon sur chardonCe canyon présente peut-être un peu plus de difficultés techniques que les deux précédents où je suis allée, mais c'est sans conteste le plus beau. Etroit, encaissé, plutôt sombre, les rayons ne pénètrent que de façon indirecte jusqu'à sa base. La roche blonde a été entièrement modelée sur toute sa hauteur par la violence des flots et le choc des galets au cours des millénaires. Il est très minéral, avec à peine une ouverture au sommet où se penchent les pins sylvestres accrochés par miracle dans la fine couche d'humus ; leurs racines insérées dans la moindre fente de la roche et enroulées autour de chaque aspérité créent une niche humide pour des bouquets de fougères. Les odeurs de buis, de thym et de lavande descendent par bouffées, nous apportant le souffle chaud de la surface, à plus de vingt mètres au-dessus de nos têtes. Curieusement, l'eau a une couleur laiteuse, sans doute davantage eau de chaux que eau douce, et nous ne voyons pas où nous mettons les pieds. Par moment, un cri fuse : un trou, attention ! Malgré la difficulté de la progression, nous levons la tête le plus souvent possible, et regardons devant, au-dessus, derrière. Chaque détour du canyon apporte un nouveau spectacle, c'est magnifique. Vers la fin, j'entends une exclamation : "Oh, regardez, on dirait la forêt vierge !". Après un virage, le canyon s'est brusquement évasé, laissant entrer à flot la lumière qui a fait verdir et fleurir les parois. Des plantes partout, de toutes nuances, avec des bouquets mauves, bleus, jaunes ou blancs, un fouillis luxuriant, et une température brusquement haussée de quelques degrés.

La sieste à BrotoC'est malheureusement la fin. Les enfants rechignent à remonter, particulièrement Florian B., épuisé, que je houspille et encourage alternativement, lui offrant une fraise des bois pour le réconforter et cherchant tous les arguments possibles et imaginables pour le faire avancer. Pourtant, le sentier est bien aménagé en lacets pour ménager une ascension progressive, mais les combinaisons sèchent sur les corps, enserrant les muscles d'une étreinte croissante. SauleLa résine embaume, les hirondelles poussent leurs trilles, par contre, les cigales sont muettes, peut-être sommes nous trop hauts en altitude. Aussitôt rendus tous les accessoires, nous nous jetons sur le pique-nique et le mangeons sur place, tellement fourbus que nous n'avons pas la force de chercher ne serait-ce qu'un coin d'ombre à l'abri de grands arbres. Pendant que nous montons prendre un café à la terrasse du bar, les enfants s'avachissent dans les voitures et ne veulent plus bouger. Ils ne réclament qu'une chose : retourner au gîte. Jonathan me confiera plus tard que c'est ce canyon qu'il a préféré entre tous "parce qu'il a eu peur". Pour bien terminer la journée, nous choisissons d'aller faire une sieste au bord de la rivière à Broto. Les plus toniques (dont Christine) se baignent à nouveau, sans combinaison cette fois, tandis que les autres se reposent à l'ombre des saules et des petits pins. Curieusement, les gros galets dans l'eau courante sont entièrement recouverts d'une myriade de petits coquillages en forme de cônes dont émanent de fines pattes mouvantes, genre bernard-l'ermite.

 

 

 

 

 

 

L'isard des Pyrénées

Aragon

15 au 19 juillet 2003

Canyoning :

16 participants : Max et John D., Yann et Florian P., Christine, Jano et Mikel, Cathy et Jonathan, Anna, Caroline, Lucie, Alix, Florian B., Jean-Louis B., Xavier

Torla sur fond de falaises d'Ordesa
Départ
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Cheval
Parapente
Ordesa